7 Jul 2014

Patrick Muyaya definit la problematique de la Demographie en RDC en 10 questions


SAS: Bonjour Patrick vous etesDéputé National, élu dans la circonscription électorale de la Funa à Kinshasa. Vous etiez le Benjamin des élus à la proclamation des résultats du 28 novembre 2011, et à ce titre, vous avez été membre du Bureau provisoire de l’Assemblée nationale en charge du greffe (Secrétaire Rapporteur). Comment arrivez-vous là ? pouvez-vous brièvement nous dire qui vous êtes ?

PMK: Je m’appelle Patrick MUYAYA Katembwe, Je suis né à Kinshasa en République Démocratique du Congo au début des années 80. Je suis journaliste de profession. J’ai fait une petite carrière dans ce domaine chez CEBS, de journaliste reporter au Président du Conseil d’Administration en passant par le présentateur du Journal télévisé. Dans l’exercice de ce métier de micro, j’ai eu l’avantage de rencontrer différentes personnalités du monde politique et du monde des affaires. Cette expérience m’a ouvert, à la politique.

SAS: Vous avez récemment décidé de faire de la démographie votre cheval de batail, pouvez- vous nous faire un état des lieux de la situation démographique au Congo et de ses projections ?
PMK: La question démographique me préoccupe au haut point parce qu’elle conditionne tout projet de développement. Ce qui m’a poussé à m’intéresser à cette question c’est le fait que le manque de planification et de gestion démographiques constitue un problème car que la croissance économique ne suit pas l’augmentation démographique incontrôlée.

C’est d’ailleurs pour cette bonne raison que je venais récemment d’adresser une question orale avec débat au Ministre du Plan en vue d’éclairer la représentation nationale sur la politique démographique mise sur pied. Le débat était d’une très grande portée et nous avons tous compris qu’il est urgent de concilier la croissance démographique avec tous les projets de développement, faute de quoi la pauvreté de la population ne fera qu’accroître. La croissance démographique est en partie responsable de l’augmentation du nombre réel de personnes vivant dans la pauvreté dans nos sociétés.

SAS: Quels chiffres avez-vous en votre disposition pour fonder ce jugement ?
PMK: A ce jour, à en croire certaines études, la population congolaise se chiffre entre 73 – 75 millions d’habitants dont 60 % des jeunes dont l’âge varie entre 1 et 20 ans. Cette tranche de population est quasiment désespérée. Les structures d’encadrement et d’accompagnement posent problèmes et le taux de chômage élevé. Il y a lieu de craindre que cela accroit si aucune politique claire et efficiente de planification et de gestion démographique n’est mise sur pieds, et en mouvement. Il est important de savoir que Le taux de croissance est de 3,1 %. Ceci veut dire qu’en 2025, la population congolaise atteindra 107.981.870 habitants, tandis que 155 000 000 d’âmes sont attendues en 2050 et en 2100 ce serait en milliards.


SAS: Quels sont les défis à relever
PMK: Les défis à relever sont immenses, à la mesure des problèmes qui se posent. Il y a déjà au niveau de la formation (de l’éducation) tant primaire qu’universitaire, une inadéquation entre le type de formation donnée et les besoins réels des populations. Il me semble qu’il faille réadapter notre système éducation au contexte. Par la suite, il faudra que des efforts soient consentis pour améliorer les revenus de la population active en vue de la rendre capable de répondre à ses besoins primaires. Aujourd’hui le revenu par habitant est très très faible et cela ne permet pas de penser sérieusement le développement national et communautaire. En effet, comme on le sait, c’est du développement de chaque membre de la communauté que dépend le développement de toute la société.

Le taux de chômage est aussi un défi majeur. Il a plusieurs causes : le manque ou l’inexistence des emplois rémunérés à juste valeur, l’exode rural et la rareté de l’emploi. Pour pouvoir espérer voir les choses changer, il faudra que le climat des affaires soit assoupli pour attirer les investisseurs tant nationaux qu’étrangers. L’objectif devra être l’utilisation de la main d’œuvre locale. L’exode rural explique aussi le chômage parce que 70% de la population sont attirés par les villes, laissant les possibilités d’emplois dans les régions rurales. Et le fait de la faible existence des emplois par rapport à la demande est une évidence contre laquelle il faut lutter. Dans tous les cas, il est question de la politique qu’on met sur pieds dans la gestion rationnelle de la population. Si les bouches à nourrir sont plus importantes que les ressources disponibles, on peut tout faire, cela n’aboutira à rien.

SAS: D’aucuns pensent que le Congo est sous peuplé et qu’il n’est pas urgent de parler de démographie, qu’en pensez-vous ?
PMK: Il est vrai qu’ayant une superficie de 2 345 000 km3 contre 73-75 millions d’habitants, la République Démocratique du Congo est relativement peu peuplé. Mais Il ne faut pas trop facilement lier démographie et superficie et croire que l’implosion démographique n’est pas un souci. Pour moi l’essentiel réside en la prise en charge de la population existante. C’est cela la bonne, honnête et sincère gouvernance.

Dans la problématique de gestion des populations, on table plus sur ce qu’on a plutôt que sur ce qu’on pourrait avoir. Cela relève de la possibilité et de la réalité. Si vous me posez la question de savoir s’il est possible de peupler tout le sol congolais alors je dirais Oui, nous en sommes capables. Mais en Réalité, sommes-nous en mesure d’assurer la prise en charge effective en termes d’infrastructures, scolarisation, soins de santé, alimentation et autres services publiques pour cette population ? La réponse est : NON.
La politique responsable et réaliste consiste à se poser la question de la capacité de charge. La croissance démographique n’est pas un démon, mais il faut savoir la gérer. C’est là que nos choix individuels influent sur le destin collectif.

SAS: Quelles sont les stratégies que vous préconisez ?
PMK: Cette question nécessite une vraie et réelle éducation, en partant de la base au sommet. Il nous faut éduquer nos populations à une fécondité responsable et assumée. Et je pense que c’est un des thèmes transversaux qu’il faille introduire dans la formation primaire, secondaire et universitaire. Pour les parents, il ne fait l’ombre d’aucun doute que les difficultés actuelles nous invitent tous à un changement de comportement dans la procréation. MANDLINE et LAPHALIN ont bien démontré qu' « une planification familiale bien conçue alliée à un bon programme de développement exercent de par effet conjugué, une influence indéniable sur l'indice de fécondité» .

SAS: Quels moyens avez-vous pour aider à résoudre ce problème (comment allez-vous forcer le gouvernement, comment allez-vous inspirer la population)
PMK: En tant que Député National, les moyens pour la réussite de ce combat sont nombreux. Je vous ai plus haut parlé de la question orale avec débat que j’ai adressé au Ministre du Plan sur cette question de planification et de gestion démographiques.
Le souci pour moi était que l’exécutif nous dise ce qu’il entreprend dans ce domaine de démographie. Il faut l’interpellation de nous tous, animateurs et acteurs des institutions publiques, sur l’importance que nous devons attacher à cette épineuse problématique plutôt que de la laisser entre les mains des ONG.
Pour la population, c’est la sensibilisation et encore la sensibilisation. Je fais déjà cette sensibilisation dans les milieux universitaires chaque fois que j’y suis invité pour une conférence, j’en discute chaque jour avec ma base et mes équipes. J’en ai fait mon credo.
Les expériences d’autres pays qui ont réussi dans ce secteur nous servent d’appui. Il n’y a pas de honte à dire que quelque chose est un mal : une guérison peut s’en suivre. Et donc la question de la démographie nous concerne tous : chaque fois que nous sommes butés à résoudre les problèmes vitaux de ceux qui nous sont plus proches, nous devons nous poser la question de savoir si nous n’avons pas fait des mauvais calculs… Et comme de fois les conséquences éduquent mieux que les conseils, nous sommes convaincus que le message passera.

SAS: Et que pensez-vous de ceux qui disent que c’est avant tout un problème de gouvernance ?
PMK: Il est vrai que plusieurs gouvernements qui se sont succédé n’ont pas accordé une attention particulière aux problèmes de population. Il est d’une part vrai que le problème de gouvernance peut se poser lorsque les ressources pouvant servir 1 millions de congolais, servent une caste des mandarins. Le détournement des biens communs a donc entraîné la misère de plusieurs.
Mais ce que je n’accepte pas du tout, c’est que les partisans de l’augmentation démographique proche de la superficie développent des thèses illusionnistes. Ils croient qu’il suffit de dire que le Congo est riche en sol et sous-sol pour pouvoir trouver des solutions aux problèmes immédiats. Les potentialités dont nous sommes pourvus peuvent servir d’orientation mais pas de gestion réaliste et honnête de la population.
D’autre part, on ne doit pas encourager la production humaine sur les espérances non encore matérialisées, et c’est de la force et capacité prévisionnelle des individus pris séparément qu’émerge une vision responsable au niveau de l’Etat. L’Etat ce n’est pas une juxtaposition des individus. C’est nous. Nous devons nous assumer. L’image du salarié que j’ai évoqué plus haut en dit long.

SAS: Vous poussez aussi sur le front de l’éducation et de la création d’emploi, comment ces deux solutions sont liées à la démographie ?
PMK: La réponse est simple : être éduqué permet d'avoir accès à l'emploi. L'emploi permet de gagner de l'argent et l'argent nous permet d'organiser notre vie et donc les liens sont très étroits entre les trois points au regard en référence aux études qui ont démontrées que l'accès à l'emploi ( argent ) en lui même est un contraceptif efficace en ce qu'il permet de faire une planification familiale conforme aux horaires parfois compliqués de travail, un souci d'un meilleur encadrement des enfants en leur assurant une prise en charge totale au plan social, scolaire et le coût y afférent etc.

La démographie en elle même ne constitue pas un problème. Notre plus grand défi se résume principalement à la maîtrise de celle ci et à l'urgence de mettre en œuvre des politiques et des structures qui permettent à notre Êtat de résorber des déficits énormes en terme de prise en charge totale de la population au plan scolaire, sanitaire, sécuritaire, judiciaire etc.. Il est tout aussi urgent de créer une adéquation entre les exigences du marché et la capacité de nos universités à produire des têtes compétitives et capable d'évoluer dans le marché de l'emploi du 21 siècle dominé par l'utilisation à tous les postes des NTIC.
L'emploi ne consiste pas seulement à occuper ceux qui ont eu l'opportunité d'aller dans les universités mais aussi tout ceux et c'est la majorité qui sont dans l'informel. Il est question ici de leur donner une opportunité d'exercer un métier. Dans une dynamique de reconstruction autant on a besoin des architectes autant on a besoin des maçons, peintres, carreleurs et consort.... Et donc la combinaison Éducation, création et accès à l'emploi permet de contenir l'évolution galopante de la démographie ou tout au moins permet une fécondité maîtrisée...

SAS: Interressant. l'humanité est sur le point d'evaluer les objectifs du milenaire et de definir les grands defis a a relever pour la prochaine generation. D'apres vous quels devraient être les nouveaux objectifs du millénaire, après 2015 ?
PMK: Je ne saurai être en mesure de dresser un bilan exhaustif de l'immense travail qui a été fait depuis l'an 2000 dans le monde pour l'atteinte de ces objectifs mais il y a lieu de saluer le progrès accompli quant à ce. Je ne saurai m'hasarder à tenter de faire le rapport entre ce qui a été fait par rapport à la population qui a grandi entretemps. Je ne saurai vous dire le nombre d'enfants âgés de 15 ans qui existe aujourd'hui. Sans dire que ces efforts ont été dilués par le nombre de nouveaux vivants. Je me risque cependant de dire que les résultats auraient pu être meilleurs que ceux obtenus si nous avions pratiqué une fécondité maîtrisée. Je crois que les huit Objectifs millénaires du développent sont très liés et de mon point de vue il faudrait peut être les recentrer autour de quelques objectifs principaux que sont :

- la réduction de l'extrême pauvreté à travers l'amélioration de l'accès à l'eau potable, l'énergie
Et surtout par la professionnalisation de l'agriculture et a la manufacture qui peut donner de l'emploi à beaucoup plus de gens sans grande qualification et servir de socle de développement.
- Investir massivement dans l'éducation puisque c'est elle qui permet au peuple de se prendre en charge. Réussir cet objectif permettra de régler de manière indirecte un certain nombre des choses notamment la lutte contre certaines maladies, la protection de l'environnement et autres défis.
- Faire de la maîtrise démographique une priorité sinon tous les efforts de développement risque d'être annihilés avec une explosion démographique incontrôlée

SAS: Merci beaucoup pour votre temps. Je vous souhaites bonne chance pour la suite de votre parcours et j’attend impatiemment l’occasion d’avoir un nouvel interview avec vous pour évaluer les progrès. Avez-vous autre chose à ajouter ?

PMK: Merci a vous Soraya pour m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer sur ce sujet qui me tient tant a cœur. Pour l’instant il n’y a rien de particulier à ajouter si ce n'est d'inviter tous les compatriotes à s'engager pour le pays. Notre pays est jeune et nous avons tous les atouts pour réussir ce qu'il nous faut maintenant, c'est de nous engager un peu plus dans l'action citoyenne pour contrôler l'action de nos dirigeants. Et devenir acteur plus tôt que spectateur. Être très actif sur les réseaux sociaux c'est bien mais descendre au pays et prendre le risque d'y investir est mieux. Il nous faudra bien comprendre nos enjeux et définir la position qu'occupera chacun de ceux qui voudront s'engager à nos côtés pour le développement de notre pays.

29 Jun 2014

Special 30 Juin 2014: Debout Congolais


En ce moment crucial ou l’humanité évalue les progrès du développent humain mesurés par les objectifs du millénaire, échéance 2015, Je me sens transie de colère et couverte de honte car il apparait clairement que le Congo traine encore la patte et figure en toute dernière position, comme on en a pris la détestable habitude. Avec nos 51,8 Millions de Congolais vivant encore avec moins d’un dollars par jour (70% de nos 74Millions d’Habitants) nous avons a nous seuls réussit à bloquer les milestones du continent Africain dans plusieurs domaines.

Si certaines avancées en matière de sante et d’éducation sont à saluer, l’état de vie de la population en général reste à déplorer. Les plus gant maux restent visibles dans le domaine de la gouvernance. Un grand niveau de corruption encouragée par la totale impunité dont jouissent les dirigeants coupables de détournements, de spoliation tels ceux qui vendent les ressources naturelles du pays a des étrangers pour des prix dérisoires.

Aujourd’hui pendant que le peuple a besoin d’éducation, de sante, de sécurité, d’infrastructures, de ses droits les plus basics, la classe politique en place distrait la population avec le changement de la constitution et autres violations flagrantes des règles démocratiques pourtant établies par des institutions et sanctionnées par les mécanismes légaux et légitimes. La faiblesse de notre gouvernement s’observe aussi par les très mauvais rapports que nous entretenons avec nos voisins, nos ex alliés, nos frères Africains, les puissances étrangères et leurs alliés régionaux, et même avec les organisations et institutions Panafricaines et mondiales. Ces instabilités au niveau interne et international remettent en question les fragiles et maigres avancées si fortement médiatisées.

Il est clair que l’absence de solidarité entre Congolais, le manque de leadership cohésif avec comme conséquence le manque de vision claire a échéance réaliste, reste des défis majeur à relever. Ce sont entre autres ces problèmes qui créent l’insécurité persistante, la colonisation économique et mentale, les inégalités, la pauvreté et la consécration des antivaleurs avec comme ambassadeurs premiers une clique de pilleurs nationaux et étrangers qui s’enrichit illicitement au détriment des filles et des fils du Congo.

Il ne fait aucin doute que seuls les Congolaises et les Congolais pourront remédier a cette situation et remettre le Congo sur les rails du développent afin que nous puissions pleinement bénéficier de notre potentiel. Au moment ou nous célébrons le 54eme anniversaire de notre accession a l’indépendance la question reste de savoir comment nous pouvons nous assurer que les 74M de Congolais se réveillent et travaillent tous au développement du pays chacun a son niveau.
Pour commencer, on pourrait s’atteler à demander aux congolais, en des mots simples, de s’unir pour lutter ensemble contre ces maux. Ce message devrait être simple et atteindre nos écoliers et étudiants, nos soldats et fonctionnaires, nos commerçants, nos dirigeants, nos hommes et nos femmes, nos jeunes et nos vieux. Ce message doit les pénétrer tous et ils doivent se l’approprier. Le répéter souvent et le faire leur.

Plutôt que de réinventer la roue, je me suis souvenue d’une vielle chanson que nous connaissons tous très bien, une chanson aussi vielle que notre nation. Nous la chantons souvent mais en comprenons-nous seulement le sens ? Apprécions-nous sa pertinence ? Voyons-nous a quel point son auteur a inscrit tous les idéaux nationaux dans ces quelques mots ? Je propose donc que ce 30 juin se passe à relire et à méditer sur les paroles de notre chant sacré, le Debout Congolais :

Debout Congolais,
Unis par le sort,
Unis dans l'effort pour l'indépendance,
Dressons nos fronts, longtemps courbés
Et pour de bon prenons le plus bel élan, dans la paix,
O peuple ardent, par le labeur,
Nous bâtirons un pays plus beau qu'avant, dans la paix.
Citoyens, entonnez, l'hymne sacré de votre solidarité,
Fièrement, saluez, l'emblème d'or de votre souveraineté, Congo.
Don béni (Congo) des aïeux (Congo),
O pays (Congo) bien aimé (Congo),
Nous peuplerons ton sol et nous assurerons ta grandeur.
(Trente juin) O doux soleil (trente juin) du trente juin,
(Jour sacré) Sois le témoin (jour sacré) de l'immortel, serment de liberté
Que nous léguons, à notre postérité, pour toujours.


15 May 2014

A propos des progrès de la RDC en matiere d'education...

Cet article est ma réaction aux chiffres sur l’éducation récemment publiés par Matata Ponyo, Premier ministre de la RDC (PM). J’entends démontrer par des sources indépendantes que ces chiffres ne sont pas nécessairement le reflet de la réalité sur terrain, et que quand bien même l’intention serait de les atteindre la stratégie mise en place par le gouvernement n’est pas appropriée pour relever le défi que présente le secteur de l’éducation en RDC.


Ce Lundi 12 Mai 2014, sur son compte twitter, le PM a fourni un bref aperçu de sa présentation a Oman sur la rencontre Education Pour Tous. Les neufs tweets qui ont suivis ce tweet parlent des objectifs de cette rencontre, puis de la présentation du secteur de l’éducation Congo et reportent « des progrès significatifs » qui lui ont valut les félicitations de plusieurs acteurs et medias internationaux :

I am in Oman to attend the annual Global EFA (Education for All) Meeting with #unesco member states representatives: http://t.co/flbxevcwrB

— MATATA PONYO Mapon (@Mapon_Matata) May 12, 2014
- Education is a top priority for DRC. The budget allocated to #education grew from 6% ESP in 2007 to 16,04% ESP in 2014 @GEMOmanSummit
- 109,375 teachers have been hired between 2007 and 2014 with ‘‘Bancarisation’’ of their pay. We also created a teachers’ Health care Mutual.
- Among the improvments [sic] for access to #education in #DRC : free primary education launched in 2010 & Construction of 1,000 schools in 2013-14
- Il reste des défis : 3,5 M d’enfants à scolariser, la construction de + 20000 écoles... Pour l'émergence 2030, une seule voie : l'éducation

Apres plusieurs questions et critiques des Congolais sur twitter remettant en question les chiffres et les avancées présentées, le compte official de la Primature de la RDC a posté un lien pour mieux expliquer le programme des 1000 écoles. Je me penche d’abord sur les chiffres avancés avant d’examiner la pertinence de la strategi mise en place. Il est important de souligner que je n’ai pas eu acces a la presentation du PM et que mes remarques se fondent exclusivement sur ses tweets et sur l’article de Jeune Afrique Magazine qui a couvert cette ovation.

A. Les chiffres et les avancées reportés

S’agissant de l’accroissement du budget de l’éducation, que le PM considère comme un indicatif de l’inscription de l’éducation sur la liste des priorités nationales depuis 2007, il est important de souligner la courbe suivante Adaptée des sources (1, 2 et 3) :


Comme on peut le voir sur ce graphique, ce n’est pas avant 2010 que le budget de l’éducation a commencé à croitre, et non à partir de 2007 comme le présente le PM (est-ce dans le but de créditer le premier mandat présidentiel de l’AMP?). De plus, il est opportun de préciser qu’en 2012 par exemple, les dépenses en éducation ne représentent que près de 7% du budget général de l’Etat (mais dans sa façon de rapporter le PM insiste sur le pourcentage par rapport aux ressources budgétaires propres à l’Etat et donc près de 13,5%). Cette façon de reporter est malicieuse et malhonnête.
De plus, comme le souligne le plan stratégique de l’éducation de 2010:

« Malgré l’augmentation des recettes de l’État au cours de la période, les dépenses publiques en faveur de l’EPSP n’ont cessé de décroître, que ce soit en pourcentage des recettes, du PIB ou des dépenses totales. Cette situation a eu pour conséquence le délabrement des infrastructures scolaires et l’insuffisance des équipements et des matériels pédagogiques. A cette situation déplorable s’ajoute le transfert de la charge de l’État vers les ménages avec, comme corollaire, la baisse du niveau de scolarisation, de nombreux enfants ne pouvant accéder à l’éducation en raison du montant des frais scolaires ».
Le bilan du gouvernement 2006-2011 a eu un impact très négatif sur l’éducation. Un bilan qui frôle le sabotage.

- S’agissant de la bancarisation de la paie il eut été important de souligner que plusieurs difficultés techniques persistent à raison du nombre très réduit des institutions financières partenaires dans l’implémentation de cette politique en avance sur les infrastructures existantes. Ceci a souvent un impact négatif sur la qualité de l’enseignement étant donne que certains enseignants doivent s’absenter plusieurs jours par mois pour se rendre au guichet de paie. L’opération permet quand même au gouvernement d’économiser plusieurs millions de dollars par an et reste à saluer. Elle permet aussi la mise en place des services de sécurité sociale (mutuelle de santé, pension de retraite etc., à condition que les centres de sante suivent)

- S’agissant de l’éducation gratuite, il est curieux de constater que cette gratuité ne s’accompagne pas d’une augmentation conséquente du budget national de l’éducation. La faible augmentation constatée semble progressive et ne peut donc pas couvrir tout de go les frais liés à une éducation primaire gratuite pour tous. Mes observations personnelles sur terrain m’ont permis de constater plusieurs problèmes : Plusieurs écoles primaires ne sont pas mécanisées. Ceci signifie tout simplement qu’elles ne sont pas sur la fiche de paie du ministère de l’éducation. Dans certaines écoles, seule une partie des enseignants sont payes. Même dans les écoles ou tous les enseignants sont payés, le salaire de l’enseignant de l’école primaire reste souvent moins de 100$ par mois. Le salaire faible des enseignants ne constituant pas une motivation suffisante, les parents doivent presque toujours contribuer aux frais scolaires à travers la fameuse prime pour lever un tant soit peu la rémunération des enseignants.

- S’agissant de la construction de 1000 nouvelles écoles à travers le Projet de réhabilitation et de reconstruction des Infrastructures Scolaires (PRRIS), le lien de la Primature renvoie à une vidéo mais rien ne permet d’effectuer une vérification. Les écoles construites dans le territoire de Rutshuru semblent être situées dans les mêmes groupements que celles reconstruites par un fond spécial visant le désenclavement de zones sinistrées par la guerre (rébellion m23). Ma demande visait à obtenir une liste exhaustive des 600/1000 écoles construites ou réhabilitées à ce jour afin d’effectuer une vérification auprès des organisations de la société civile opérant localement. Aucun lien n’a été fourni dans ce sens, nous attendons donc le rapport d’activités, si jamais il vient.

- S’agissant des écoles qui restent à construire, le PM a dit que 3,5M d’enfant en âge de scolarité n’étaient pas à l’école et que le défi était de construire 20,000 nouvelles écoles. Comment obtient-il ce chiffre ? Les normes Congolaises veulent qu’une salle de classe ne comporte pas plus de 30 élèves. Avec une moyenne de 6 classes par écoles, le nombre d’écoles nécessaires pour scolariser 3,5M d’enfants est donc de près de 19,445 écoles arrondies a 20,000. Ce chiffre est vrai pour l’année 2014. Entendu que la moyenne de construction des écoles est de 1000 écoles par an (à prouver), il faudrait à l’Etat Congolais vingt ans pour construire les 20,000 écoles. Il le confirme d’ailleurs en parlant des horizons 2030 pour la fin du programme. Et la croissance démographique estimée a 2,5% pendant ce temps ?

- S’agissant des défis qui restent à couvrir, j’ai soutenu dans un tweet que 7M d’enfants en âge de scolarité n’allaient pas à l’école. Ma source pour cette affirmation est le rapport « Jeunesse Congolaise, Potentiel et opportunité » de YouthMap, publie en Décembre 2013 et disponible ici. Ce rapport qui se fonde sur les recherches et publications de l’UNICEF 2013 contredit directement les 3.5M proclamés par le PM. La marge d’erreur ne peut être de 100%, et j’en conclut donc que des deux sources l’une se trompe complétement et induit l’opinion en erreur.

Avant d’évaluer la pertinence de la stratégie, il est important de souligner que je ne remets pas en question toutes les avancées. Le gouvernement 2011-2014 a mis en place une politique spéciale de relance du système éducatif et il y a plusieurs points positifs que je pourrais détailler dans un article à venir. Cet article-ci vise seulement à remettre en question les affirmations du PM.

B. Quelles sont les priorités nationales en matière d’éducation ?

Dans le PAP de 2010, le Gouvernement s’était fixé comme objectif de réaliser l’enseignement primaire universel à l’horizon 2010 en relevant les défis du secteur éducatif selon six axes stratégiques :
(i) l’amélioration de l’accès, de l’équité et du maintien des enfants dans les différents niveaux d’éducation formelle et non formelle et en particulier dans l’éducation de base, notamment pour les filles, les enfants, les jeunes et les adultes en difficulté, vulnérables et défavorisés,
(ii) l’amélioration, sous tous ses aspects, de la qualité de l’éducation, notamment de l’efficacité interne et des conditions d’accueil à tous les niveaux,
(iii) l’amélioration de la pertinence des contenus des programmes pour les adapter aux besoins nationaux et internationaux des apprenants et au programme national de développement,
(iv) l’amélioration de la gestion (financière, pédagogique et administrative) et de la gouvernance du système d’éducation et de formation,
(v) la déconcentration des pouvoirs administratifs et la gestion du système vers les provinces, conformément à la Loi sur la Décentralisation (qui reste à promulguer), et
(vi) l'amélioration de la gestion des ressources humaines par la mise en place d'un dispositif de suivi et de promotion des carrières du personnel enseignant. Or, les évaluations et revues du DSCRP récemment menées tendent à démontrer que la pertinence de ces défis reste d’actualité.

Ces axes prioritaires restent pertinents en 2014. Il est clair que construction des nouveaux bâtiments ne saurait à elle seule palier aux insuffisances de ce secteur puisqu’elle ne répond qu’en partie au premier point de la stratégie (Accessibilité). Il est pertinent d’évaluer les avancées de ces stratégies set de les ajuster. D’aucuns évoquent le manque de ressources pour pallier aux insuffisances du système éducatif. Il est vrai qu’avec un budget de 8 Milliards de dollars, on ne peut pas tout faire, mais en canalisant ces ressources dans le développement humain, particulièrement dans l’éducation, il est possible de déclencher un effet domino qui aura un impact à court terme sur la création de l’emploi dans le secteur formel, et à moyen terme sur l’économie nationale.

Autres articles importants :
http://expressionrdc.blogs.lalibre.be/archive/2010/04/26/chantiers-education.html
http://planipolis.iiep.unesco.org/upload/Congo/Congo%20PNAEPT.pdf
http://www.africanmanager.com/detail_article_wp.php?art_id=4696
http://afrique.kongotimes.info/rdc/enseignement/5981-enseignants-obliges-parcourir-jusque-conditions-precaires-bancarisation-difficulte-arriere-pays-congo-enseignants-territoires-victimes.html