31 Jan 2013

Que vise Kabila à la Conférence minière de Lubumbashi?



Lors d'une réunion avec les différents intervenants, le Président Kabila a déclaré que «Le Congo doit renforcer les contrôles sur l'octroi des licences d'exploitation minière et lutter contre la corruption afin que le pays puisse profiter pleinement de la production de cuivre en hausse".

Cette réunion, organisée à Lubumbashi / Katanga vise à «prouver la volonté politique» du gouvernement en matière de réforme du secteur minier d'une manière qui "met fin au paradoxe qui voit un potentiel minier considérable, et de plus en plus d’activité minière intense, mai des avantages très modestes pour l'État », résultant en « des conséquences négatives pour l'amélioration des conditions de vie de la population ».

Encore une fois, je suis très déçu par ce discours. L'organisation de la réunion elle-même est estimé à 800.000 dollars payés par les contribuables congolais est juste pour "prouver la volonté politique», laissant tout le monde, y compris le président, avec la question de la mise en œuvre.

Pendant toute la durée de ses dix ans de règne, le président Kabila a lancé à travers ses gouvernements plusieurs actions pour nettoyer le secteur minier, en vain! Encore une fois, dans cette réunion, il a suggéré décisions qui sonnent bien aux participants (ou peut-être pas), mais personne ne peut vraiment dire ce qui justifie ces décisions.

Son ministre de l'emploi, M. Modeste Bahati Lukwebo a déclaré: "Nous devons mettre un terme à tout cela, ils ne sont que des aventuriers. Ce que nous avons à faire est d'inviter les grandes entreprises minières et pétrolières, alors tout le monde saura qui ils sont ". Est-ce une raison valable de choisir qui investit en RDC? Ces grandes entreprises prendrons-t-elles le risque d’investir au Congo avec tous les problèmes que nous avons?

La plupart des problèmes du secteur minier au Congo proviennent du gouvernement congolais lui-même. Dans une ancienne publication (disponible sur demande dans la boîte de commentaires), j'ai analysé les problèmes du secteur minier en RDC avec un accent particulier sur la malédiction des ressources au Sud-Kivu et de son industrie opaque extraction de l'or, et j’ai à l’occasion proposé des solutions au problème. C'est dire que je suis intime avec ce débat.

La plupart des pays dépendant actuellement en grande partie sur les revenus des ressources naturelles, ou qui ont le potentiel de le faire, sont caractérisés par leurs avancées différentes sur les nombreuses trajectoires de développement. Alors que certains pays semblent avoir travaillé sur la voie de la prospérité relative, d'autres ont souffert de décennies de mauvaise gouvernance, les conflits et appauvrissement et semblent être sur la spirale descendante qui caractérise la conception conventionnelle de la malédiction des ressources. En RDC, l'exploitation minière constitue un secteur essentiel pour le développement du pays. Le secteur minier a dominé l'économie de la RDC depuis le début des années 1920 (Banque mondiale, 2010). La promesse de richesses provenant du secteur minier est massive.

Cependant, l'extraction de ces ressources naturelles peut décevoir si elle n'est pas correctement gérée. L'instabilité politique peut également rendre des ressources productrices et consommatrices zones vulnérables à la volatilité extrême des prix des produits et de l'incertitude de l'offre. Les guerres civiles en RDC ne concerne pas seulement les citoyens mais ont aussi profondément déstabilisé les États du continent en particulier ceux qui ont été entraînés dans les guerres civiles ces dernières années.

Dans une certaine mesure, la paix est revenue dans la plupart des régions du pays et le gouvernement est confronté à des défis importants pour rétablir la production industrielle et ramener l'ordre dans le secteur minier artisanal et à petite échelle. Cela est encore plus urgent dans la région du Sud-Kivu où la course pour les minéraux a alimenté les conflits et la violence, avec plusieurs sociétés minières, bandes armées et individus rivalisant pour obtenir des concessions d’extraction de l'or dans la région. Alors, que devons nous faire?

Dans le système actuel de gouvernance en RDC, ou tout passe par le gouvernement central, des parties privees et publiques travaillent en connivence pour leurs propres interets au détriment des communautés locales. Dans sa forme actuelle, le système de gouvernance ne fournit pas un cadre approprié permettant secteur minier sud-Kivu de s'acquitter de son potentiel de réduction de la pauvreté. En même temps, les pratiques informelles et parfois illégales, telles que la taxation illégale du secteur, restent omniprésente. Cela fournit l'espace opérationnel et économique pour les pratiques peu recommandables, ce qui a des conséquences néfastes pour la situation sécuritaire dans les zonnes minieres.

Le système de gouvernance exige donc une réforme. Puisque la prolifération des acteurs signifie qu’il y a un defi a relever pour ce qui est de batir la confiance - l'un des piliers centraux de la réforme de la gouvernance - il est essentiel d'identifier des parties prenantes au niveau local, provincial, national et international, dans le but de construire une plate-forme de toutes les parties prenantes pour apporter un changement. Pour que le processus de réforme puisse avoir une chance de succès, les capacités des institutions de l'Etat doivent augmenter, de manière à réglementer efficacement et fournir une assistance à tous les acteurs impliqués. Les sociétés minières doivent accepter leur responsabilité et soutenir un processus de réforme de la gouvernance.

Quel que soit le modèle choisi, il y a un besoin urgent de décentraliser le secteur minier, notamment les inspections, la budgétisation, les ressources humaines et ne laisser que la négociation, être menée au niveau national, à condition que ces négociations soient ouvertes et transparentes. Il est nécessaire de séparer le représentant du gouvernement local et le représentant de la collectivité locale, surtout lorsque l'autorité traditionnelle est considérée comme l'autorité gouvernementale.. Il est imperatif d’organiser des mechanismes permatnat aux et vrai leaders locaaux de veillwer a l’equilibre et verifier ce que l'autorité traditionnel fait.

Il faut aussi une désambiguïsation entre les ministères provinciaux et les divisions, et clarifier les rôles des organes concernés, en particulier en ce qui concerne les inspections minières et les rôles de chacun des organes. La mise en place d'une plate-forme impliquant toutes les parties prenantes est souhaitable car il leur permettrait de faire connaître leurs intérêts.

Si j'étais le président de la République démocratique du Congo, ou un membre de son gouvernement sur cette question dans mon portefeuille, c'est ce que j'aurais dit à la conférence, et ne me limite pas à «démontrer une certaine volonté politique» et non savoir où, quand et comment quelqu'un qui n'est pas encore identifié serait effectivement proposer et mettre en œuvre des changements. Ces affirmations sont mal informés seulement d'augmenter sur le climat d'insécurité de l'investissement dans le secteur minier en RDC et ne sera certainement pas d'attirer le «minéral de gros et les compagnies pétrolières» attendues par le ministre du Travail.

23 Jan 2013

Malédiction des ressources/malédiction de l’aide?



La malédiction des ressources est le paradoxe par lequel un pays aux ressources naturelles abondantes expérimente une pauvreté extrême et/ou se retrouve dirigée par un gouvernement autoritaire (ma propre définition dérivée de la littérature abondante sur le sujet). Cette malédiction entraine souvent des conflits armés. Je pense que le Congo est un pays qui présente des éléments réels de la malédiction des ressources. Au-delà de cette malédiction, je pose aussi la question de la malédiction de l’aide : dans quelle mesure l’aide au Congo contribue aux mêmes éléments que ceux de la malédiction des ressources ? Je remets en question les bénéfices des actions dites humanitaires au Congo.



A. La malédiction des ressources

D’abord examinons les éléments de la malédiction des ressources au Congo :

1. Des ressources minières abondantes : Tout le monde parle du Congo comme d’un « scandale géologique ». En effet, le Congo figure en très bonne position parmi les pays ayant le plus de réserves en Coltan, or, cassitérite, diamants, forets, rivières, gaz, pétrole etc. Le Congo ne figure malheureusement pas sur la liste des plus grands producteurs de ces commodités. Au contraire, le Congo a connu plusieurs conflits armés autour du contrôle des ressources.

2. Une pauvreté prononcée : d’après les données de 2010, La population Congolaise estimée à 67,8 millions d’habitants, vit avec un PIB de 13,1 milliards par an, soit 350 dollars par habitant par an, faisant de ce fait du Congolais moyen un homme pauvre (le seuil de pauvreté étant de moins d’un dollars par jour). En fait, le Congolais moyen est l’homme le plus pauvre au monde, suivis de près par son voisin Burundais (420 dol par an).

Les indices de développement humains ne sont pas fameux : Le taux de mortalité au Congo est de 15,9/1000 (troisième taux le plus élevé au monde après l’Ukraine et la Guinée Bissau). Il a aussi une mortalité infantile de 109,5 (quatrième taux le plus élevé après l’Afghanistan, le Tchad et la Guinée Bissau). L’espérance de vie du congolais estimée a 48,9 est la troisième la plus basse après la Siéra Leone (48,2) et la Guinée Bissau (48,8). L’Esperance de vie masculine est la pire au monde, a seulement 47,3 ans.

L’inflation y est estimée à 17,3 par an. Nous somme parmi les dix pays ou la malaria et la tuberculose tuent le plus. L’un des dix pays ou le vaccin contre la rougeole et autres maladies infantile est le moins administré. Le seul pays ou les vaccins ne sont pas pris en charge par le gouvernement !

3. Des problèmes sévères de gouvernance : Un gouvernement totalitaire ou une petite élite profite corruption (Au Congo, les investisseurs rencontrent les mêmes personnes de jour pour le compte du gouvernement et de nuit pour le compte des partenaires locaux), un manque criant de transparence et de recevabilité (les crimes de corruption ne sont même pas répertoriés), un gouvernement inscrit aux abonnés absents (Le gouvernement congolais n’a consacré que 2.5 de son budget a la sante en 2010. Ce taux a chuté à 2% en 2011).

Manque total de démocratie : Sur une échelle démocratique de 1 à 10, avec 10 pour le plus grand niveau de démocratie, le Congo a marqué 2.15 en 2010 (treizième venant du bas). Notons pour information que les USA, la France et les Royaumes Unis ne figurent pas sur la liste des quinze pays les plus démocratiques du monde. Ceux-ci sont essentiellement les pays scandinaves.

Nous somme le pays le plus corrompu du monde avec 2/10 (10/10 étant le moins corrompu). Notre bureaucratie décourage les investissements. Aucune des 15 plus grandes banques au monde n’opère au Congo. Il prendrait 1 jour pour commencer un commerce en Nouvelle Zélande, 3 jours au Rwanda, 5 jours au Sénégal et … 160 jours au Congo.

4. Conflits armes : Non seulement notre indicateur est de 3, 073 (somalie-3.392, afganistan-3.525, Soudan 3.193 et Irak 3,192), notre budget national de défense reste parmi les plus faible au monde(en pourcentage au PIB comme en valeur nominale), présageant une armée et une sécurité très faible encore pour longtemps.

B. La malédiction de l’aide ?
Apres avoir établi sans trop de peine que le Congo vit ce que d’aucuns appellent la malédiction des ressources, je voudrais maintenant poser la question de l’aide. En fait je pense de plus en plus que l’aide aux gouvernements africains à peu près le même effet que les revenus des ressources naturelles. Dans ce paragraphe je vais essayer de mettre un lien entre chacun des éléments constitutifs de la malédiction des ressources et l’aide.

D’abord définissions l’aide. Telle que définie par Dambisa Moyo, l’aide est l’ensemble des prêts concessionnels et dons qu’un pays reçois de l’étranger en terme d’assistance au développement. D’après cette définition, l’argent que l’ONU apporte au Congo, pour la sécurité ou pour les agences, l’argent reçu du FMI ou de la Banque Mondiale, de la Banque Africaine pour le Développent (BAD), l’aide bilatérales et autres soutiens du même genre sont ce que nous appelons « aide » dans le cadre de cet article.

1. Une aide abondante : le Congo est le troisième récipient de l’aide multilatérale et multilatérale. Il a reçu 3,529 milliards, do t 1 milliard pour les forces de la Monusco. Il reste à déplorer que cette aide ne renforcent pas prioritairement les capacités de gouvernance qui ont si souvent été cités comme les vrais problèmes, mais sont plutôt canalises à remplacer les services publiques comme l’éducation et la santé. Ceci participe à fragiliser la recevabilité de l’Etat et positionne a tors la société civile comme une alternative au gouvernement.

L’aide inscrit le Gouvernement aux abonnés absents. Comment sinon expliquer que plus de trois quart du budget de la sante est prise en charge par les ONG ? Force néanmoins est de reconnaitre que sans certaines de ces ONG (ou des ONG qui travaillent mieux que ça) la situation serait catastrophique sur le terrain.

2. Une situation inchangée pour les plus pauvres et ou les employés des ONG semble être les seuls à réellement se développer au niveau humain. Pour exemple, le plus grand nombre des employés des Nations Unis travaillent à créer et gérer des situations qui n’existeraient pas sans leurs missions. Je ne mentionne pas leurs exemptions fiscales qui constituent un manque à gagner de plusieurs millions de dollars par an pour l‘Etat Congolais. Les modes de vies contrastes entre les employés locaux ou expatriés des ONG et les populations qu’ils sont sensés aider sont tout simplement révoltants.



3. Des problèmes sévères de gouvernance : la plupart des ONG ignorent la participation qu’ils prêchent et utilisent des méthodes préfabriquées, avec quelque fois des employés incompétents ou inexpérimentés pour implémenter des projets qui ont marche ailleurs, il y a plusieurs années. Ces formules copier-coller ne sont pas toujours les plus appropriées, mais la procédure d’adoption des projets est souvent trop éloignée de la base pour opérer des adaptations qui s’imposent.

La corruption (surtout dans les départements logistique, ressources humaines et lors de la sélections des projets à financer/bénéficiaires) existent dans le monde des ONG mais puisqu’ils impliquent directement la société civile ils ne sont pas toujours dénoncés Il y a aussi à décrier un manque total de recevabilités vis-à-vis de la population bénéficiaire et parfois même vis-à-vis des bailleurs.


Faut-ils se débarrasser des ONG ? Je ne pense pas. Cette question fera l’objet d’un article à venir. Je voudrais simplement ouvrir les yeux des millions des personnes de bonne volonté et d’humanitaires authentiques sur la situation que l’aide mal canalisée entraine et perpétue au Congo. Je rappelle que certaines ONG œuvrent réellement pour le bénéfice des plus pauvres, mais l’authenticité de leurs sentiments altruistes ne peux à elle seule briser ce que j’appelle ici la malédiction de l’aide.

16 Jan 2013

La traçabilité des minerais stannifère : Doit-on aller au-delà des frontières Congolaises ?


Lors de ma récente visite à Kigoma (Tanzanie), j’ai découvert un itinéraire par lequel les minerais congolais sont soustraits à la taxation congolaise. Pour les négociants tanzaniens que j’ai vu, ces minerais ne sont pas frauduleux et ne participent pas à la guerre à l’est mais ceci est très discutable. Ce problème demande une attention particulière puisque les seules personnes auxquelles le trafic bénéficie vivant a l’étranger. Dans cet article je rapporte un extrait de ma conversation avec Salumu, un négociant de père Tanzanien et de mère Congolaise Nkusu.

Moi : Assalam Alaykum Salumu, je m’appelle Soraya et je suis Congolaise. J’ai appris que vous achetez des minerais au Congo que vous revendez à l’étranger. Pourquoi les minerais Congolais et pas Tanzaniens ?
Salumu : Waalaykum Salaam ma sœur. Moi j’ai une autorisation Tanzanienne pour l’exploitation artisanale des minerais mais pour le moment la qualité et la quantité que nous obtenons en Tanzanie ne nous permet pas de vivre. J’ai alors entrepris de me tourner vers le Congo.

Moi : Comment vous, un Tanzanien, arrivez à exploiter des minerais au Congo (de manière artisanale) ?
Salumu : En fait je n’exploite pas. Je fais l’exploration, et je facilite l’installation des Small Scale Miners (SSM) moyennant des frais de consultance. Eux utilisent des méthodes sophistiquées et des broyeurs. J’use de mes connaissances en géologie (autodidacte) et de mes relations avec les autorités locales pour identifier des carrières, et j’intéresse les SSM. Eux achètent ensuite les droits d’exploitation auprès du gouvernement. Depuis peu, les tracasseries administratives découragent les sociétés pour lesquelles je facilitais cette installation. En attendant de trouver des SSM j’exploite moi-même de façon artisanale. Je suis aussi le représentant de certaines compagnies Tanzaniennes au niveau congolais.

Moi : Avez-vous pense que votre implication pourrait couter la vie a des centaines des personnes ? Il y a quand même un lien bien établit entre la guerre à l’est de la RDC et l’exploitation artisanale illégale.
Salumu : Je n’opère pas dans les zones contrôlées par les forces armées puisqu’ils ont leurs propres artisanaux, leurs propres négociants et leurs propres fournisseurs des vivres. Et aussi je reste loin de l’or. Je me concentre surtout sur le platine et la cassitérite. J’ai récemment commence à répertorier les carrières de cuivre aussi. Ce sont des minerais qui n’intéressent pas trop les groupes armes et les chefs locaux ne demandent pas beaucoup en contrepartie d’une autorisation d’exploitation.

Moi : Qui vous donne cette autorisation, et que donnez-vous en contrepartie ? Travaillez-vous avec le ministère ou la division des mines ?
Salumu : Au Congo, en dehors des grandes cites, il n’y a pas d’autorité étatique. Vous travaillez avec qui vous avez en face de vous. Avec ou sans les autorisations de Bukavu ou Kindu, c’est finalement le chef de village le plus proche de la carrière qui vous autorise l’exploitation. En général contre un bidon d’huile de palme raffinée, un matelas, un sac de sel ou des bèches et pioches neuves. La valeur totale dépasse rarement 100 $ et vous donne une autorisation de trois à six mois, ce qui est généralement suffisant pour rentrer dans mes frais, faire un petit profit et trouver un SSM intéressé pour une exploitation proprement dite. Ce n’est pas tant une acquisition du droit d’exploitation que des échanges des cadeaux entre amis.

Moi : Racontez-moi un voyage typique
Salumu : voici Mwajuma, mon partenaire. Elle et moi prenons une embarcation vers le Congo. Nous y sommes en deux heures. Nous voyageons alors vers le Maniema, ou nous restons dans Fizi, mais dans des zones où il n’y a pas d’autres exploitants. Nous rencontrons le chef de village et nous lui expliquons que nous voulons exploiter la carrière près de son village. Il nous autorise verbalement et nous engageons des locaux pour l’exploitation. Nous utilisons des méthodes traditionnelles, avec des fois un détecteur de métal. Je laisse Mwajuma sur les lieux, et je reviens à Kigoma pour amorcer les démarches d’exportation.

Moi : Et comment acheminez-vous la marchandise vers l’extérieur ?
Salumu : Une fois à Kigoma J’établis des faux documents au nom du ministère des mines Congolais qui certifient que j’ai payé tous les droits d’exploitations. Notes ma sœur, que je ne sais pas avoir ces documents autrement puisque le représentant de la division des mines le plus proche habite a des jours de marche, en direction opposée de mon itinéraire. Souvent il ne dispose même pas de la nomenclature officielle en matière des minerais que j’acheté. Au moment où Mwajuma est prête, elle voyage avec la cargaison de la carrière a la plage. De mon cote, je quitte Kigoma de nuit, nous ramenons la cargaison jusqu’au port de Kibirizi ou nous nous arrangeons pour arriver avant l’aube. Je remplis les pointilles avec les quantités, et au petit matin je fais enregistrer la cargaison. J’emmené ensuite les faux documents au consulat congolais pour traduction et certification. J’utilise les documents certifiés pour obtenir des documents de transit, et je peux ensuite emmener la cargaison à Dar-Es-Salaam par train ou par route.

Moi : Au moment de la certification des documents, comment savent-ils qu’ils ne sont pas faux ?
Salumu : Ils ne posent pas de question. Ils savent probablement, mais puisque eux même nous demandent des prix exorbitants, nous nous réservons aussi de poser des questions. Par exemple, pour une cargaison de 150 tonnes de cassitérite, nous payons 1500$ pour la traduction et 3000 pour la certification des faux documents Congolais.



Moi : qu’avez-vous en stock pour le moment ?
Salumu : 150 tonnes de cassitérite, du coltan, du wolfram et 50kg de roche contenant 3% de platine au niveau de Dar-Es-Saalam. Mais cette dernière cargaison est difficile à écouler puisque nous n’avons pas pu établir les faux documents, et nous avons prétendu l’avoir obtenue dans des carrières nationales. Nous n’arrivons pas à le prouver et de ce fait à obtenir une autorisation d’exportation légale.

Moi : quelles sont les difficultés que vous rencontrez lors de ce parcours du Congo vers la Tanzanie?
Salumu : d’abord nous ne savons pas toujours à qui nous adresser au niveau local. Le chef de village, le chef de secteur, de localité etc. ensuite, nous accostons à des endroits inappropriés. Les commandants des groupes armés, qu’ils soient de l’armée régulière ou des groupes rebelles et/ou forces négatives exigent des vivres pour leurs troupes. Enfin, nous sommes obligés de forger nous-même des documents, pour lesquels nous payons des fois, plus cher que les originaux. Toutes ces tracasseries seraient évitées si nous pouvions avoir des autorités minières légales sur notre route.

Apres avoir remercié Salumu, j’ai continué ma visite de Kigoma, et j’ai eu à voir sa cargaison de 150 tonnes de cassitérites déchargée au Port de Kigoma. J’y ai aussi vu une importante cargaison de calcaire en partance pour Kalemie, et des sacs de charbon de bois à destination de Fizi. La production de charbon de bois est illégale en Tanzanie depuis plusieurs années, mais le marché Congolais continue de renforcer la contrebande. Du coté Congolais, surtout dans la collectivité de Mutambala à Fizi, le charbon est une denrée rare depuis que la forêt y est protégée. Ceci a haussé le prix d’un sac de charbon de bois a plus de 25 dollars, attirant ainsi le charbon issu de la contrebande Tanzanienne.

J’ai ensuite passe l’après-midi à repenser au port de Baraka. Avec des infrastructures complètes, il pourrait y avoir un bureau pour certifier la légalité de l’exportation des minerais stannifères. Malheureusement le processus de certification actuel ne prend pas en compte la situation de Hamisi et de centaines d’autres étrangers exploitant les carrières Congolaises et ne sait pas couvrir les zones sans bureau de certification. Entre temps, ces minerais continuent d’être achemines du fond de la jungle Congolaise vers des destinations internationales sans bénéficier a un seul Congolais, sinon quelques personnes au consulat Congolais de Kigoma.


Une solution intermédiaire serait pour les deux pays (Tanzanie et RDC) de signer à travers leurs provinces frontalières (Kigoma et sud Kivu) un protocole d’accord sur les modalités d’importation et d’exportation des minerais et autres matières premières le long de cette frontière.

Nos Héros Africains: Patrice Emery Lumumba



La situation Sociale, économique, sécuritaire et même la gouvernance du Congo aujourd’hui est précaire, mais le Congo a connu des périodes relativement plus graves. Imaginez qu’un pays étranger envoie des gouverneurs pour gouverner nos provinces, des généraux pour commander notre armée, des ministres pour gérer notre éducation, notre santé, notre économie, nos ressources. Imaginez que le dirigeant de ce pays étranger soit le seul à pouvoir représenter la nation congolaise sur le plan international. Au niveau interne, imaginez que la population soit traitée en esclave sur son propre sol. Que ceux qui ne travaillent pas pour ou ne collaborent pas avec ce pouvoir usurpateurs soient mutilés et meurent de leurs blessures. Que la moitié de la population périsse du fait de ce système de gouvernance imposé de l’étranger, cruel et sans pitié. Créez cette image ou seule une petite centaine de Congolais soient autorisés à aller à l’université, pour des sujets aussi inadéquat que Latin-Philosophie ou Etymologie linguistiques et que toute connaissance sur la gouvernance ou le développement économique leur soit caché. Les citoyens Congolais les plus remarques reçoivent un statut spécial, ils sont les « immatriculés »… C’est dans ces circonstances qu’un jeune homme d’un peu plus de trente ans, immatricule de son état, Patrice Emery Lumumba décide de prendre les choses en main et de passer à l’action.

Patrice Emery Lumumba est né dans la Localite d’Onalua, dans le District de Katako-Kombe au Sankuru, dans l'actuelle Province Orientale en République Démocratique du Congo. Il fréquente l'école catholique des missionnaires puis, élève brillant, une école protestante tenue par des Suédois. A 20 ans, alors qu’il travaillait pour une compagnie minière au Sud-Kivu il se rend compte que les matières premières du pays jouent un rôle capital dans l’économie mondiale, Il se rend également compte que les cadres congolais ne sont pas mêlés à la gestion des ressources naturelles, particulièrement des richesses minières nationales. A 30 ans il crée l’Association du Personnel Indigène de la Colonie (APIC) et deviens a 31 an le Président de l’association des évolués en 1956. Il écrit un livre très modéré qui prône une colonisation pacifique du Congo par la Belgique. Ce livre intitulé « Le Congo, terre d'avenir, est-il menacé ? » ne paraîtra qu’après sa mort. Il travaille ensuite à la Poste, puis dans une brasserie. A quel moment et pour quelles raisons Lumumba se mobilise-t-il plus radicalement pour l’indépendance immédiate du Congo, à l’instar des autres révolutionnaires Africains de l’époque ?

Sa prise de conscience commence en 1958, au moment où des Congolais sont invités en Belgique pour l’Exposition Universelle de Belgique. Lumumba classé modéré, appartient au parti du Ministre Belge de la Condition Coloniale (L’Amicale Libérale) et est à ce titre invité. La caricature faite du peuple Congolais dans cette exposition est très peu flatteuse. Mécontent, Lumumba rencontre et rejoint le rang des anticolonialistes de la Belgique. Le vent des indépendances souffle en Afrique. Certains pays, comme le Ghana, accèdent déjà à l’indépendance. Dès son retour au pays, Lumumba se « radicalise » et crée le 5 octobre 1958 le Mouvement National Congolais (MNC). C’est à cette époque qu’il rencontre à Kinshasa, presque par hasard, Mwalimu Julius Nyerere de la Tanzanie (Tanganyika a l’époque, Chiume du Malawi et Tom Boya du Kenya, en transit vers le Ghana ou se tient la Conférence Panafricaine d’Accra. Il se joint à eux et ils y rejoignent Kwame Nkrumah du Ghana. Cette rencontre marque fortement l’esprit du jeune patriote. A son retour à Kinshasa il organise une restitution de la conférence. Devant une foule d’une dizaine de milliers de congolais, il revendique passionnément l’indépendance du Congo.

Quelques semaines plus tard, le 4 janvier 1959, le MNC, l’ABAKO et d’autres partis indépendantistes organisent un meeting populaire a la place des martyrs (à l’époque siège de l’ YMCA) pour revendiquer l’indépendance du Congo. Ce meeting soutenu par des dizaines de milliers de Congolais de Kinshasa (Léopoldville a l’époque) n’est pas autorisé par le pouvoir colonial Belge. Héroïquement, la foule brave les barrages et se retrouve vite gonflée par des supporters mécontents du V-Club qui venaient du Stade des Martyrs (à l’Epoque Roi Baudoin) ou ils avaient perdu un match « amical » face au Mikado. La foule s’embrase et la manifestation dégénère. Pendant quatre jours les européens et les symboles du pouvoir colonial sont systématiquement attaqués, pilles, saccagés, détruits. La réaction du pouvoir colonial ne se fait pas attendre. Ils ripostent usant d’une violence extrême. Alors que les chiffres officiels parlent d’une quarantaine de morts, la réalité est bien plus grave. Les manifestants parlent de plusieurs centaines des morts. La situation est telle que pour la première fois, le Roi Baudoin et le gouvernement Belge envisagent l’Indépendance du Congo.

Pendant ce temps, Kassa Vubu, Président de l’ABAKO et Lumumba sont mis aux arrêts le 12 Janvier 1959. Le 21 janvier 1960, Lumumba est condamné à six mois de prison. Il est cependant libéré le 26 janvier 1960, pour participer à la table ronde organisée en Belgique du 20 janvier au 20 février. Au cours de cette Table ronde la Belgique discute des conditions d’accession à l’indépendance du Congo. Les indépendantistes y présentent un front unis et remportent l’Indépendance du Congo, fixée au 30 Juin 1960, après les élections du mois de mai. Le président élu est Kasavubu de l’ABAKO, très populaire dans le Bas Congo et a Léopoldville. Le MNC, parti de Lumumba remporte le plus de voix aux parlementaires et conformément à la constitution nome le Premier ministre.

Le jour de l’accession du Congo à l’indépendance, Kasavubu présente un discours adressé a la Belgique. Lumumba lui, improvise un discours présenté au Peuple Congolais. Il y décrit l’indépendance comme la victoire du peuple unis et combattant contre le pouvoir injuste colonial. Cette Independence marque une aire de paix, de liberté et de justice sociale. La presse internationale présente sur place relaie le message sur les ondes à l’échelle mondiale. Lumumba est applaudit en héros par le peuple mais les acteurs internationaux, solidaires a la Belgique le mettent en mire. L’indépendance du Congo entraine aussi celle du Rwanda et du Burundi. Certains citoyens de ces pays limitrophes reconnaissent le sacrifice des martyres du 4 Janvier 1959 et le rôle de Lumumba dans leur accession à l’Indépendance.



Le discours de Lumumba interprété comme anti-belge provoque des attaques du peuple Congolais contre les anciens colons. En pleine guerre froide Le gouvernement Belge se retire de son Front Allemand et avec l’accord de l’Otan et le soutien logistique des Etats-Unis déploie une grande force militaire pour protéger les ressortissants belges et faciliter la cession Katangaise. L’ONU envoie ses troupes identifiables a leurs casques bleus (c’est de la que vient l’appellation). Les pays Communistes et ceux du tiers monde, Particulièrement le Ghana de Nkrumah et la Tanzanie de Nyerere (à l’époque Premier Ministre) soutiennent Lumumba. Les capitalistes, (Etats-Unis en tête) soutiennent la Belgique. Face au conflit qui menace d’éclater, Joseph Kasavubu suspend Lumumba de ses fonctions. Le conseil de Ministre par contre lui exprime son soutien et Lumumba, fort de son soutien gouvernemental et parlementaire révoque Joseph Kasavubu de ses fonctions présidentielles pour haute trahison. Il prend le contrôle de l’armée et se prépare au pire pour défendre l’indépendance si chèrement acquise.

Dans ce grand chaos, un colonel de l’Armée Nationale Congolaise (ANC), Ex journaliste pro-belge, renverse le pouvoir en place par un coup d’Etat. Ce Colonel, Mobutu Seseseko Kukungbendu Wa Zabanga (Le coq chante et le guerrier va de victoire en victoire) se proclame Président et assigne Lumumba à résidence surveillée. Clandestinement, Lumumba demande à Antoine Gizenga de créer et de chapeauter un gouvernement parallèle à Kisangani (Stanleyville). Lumumba, Sa femme Pauline et ses enfants François, Guy-Patrice et Julianne, s’échappent de la résidence surveillée et tentent de gagner Kisangani à bord de sa Chevrolet. Retardé et facilement repéré par les émeutes de soutien populaire que cause son passage, Il est finalement arrêté à Lodi, dans son district de naissance (Sankuru) et est rammene à Mweka, d’où il est embarqué à bord d'un avion vers La Capitale. De là il est transféré au camp militaire Hardy de Thysville sous la garde des hommes de Louis Bobozo.

Le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba et deux de ses partisans, Maurice Mpolo et Joseph Okito sont conduits à Lubumbashi (Elisabethville), au Katanga, et livrés aux autorités locales. Ils seront ensuite conduits dans une petite maison sous escorte militaire où ils seront ligotés et humiliés par les responsables katangais comme Moïse Tshombé, Munongo, Kimba, Kibwe, Kitenge mais aussi par des Officiels Belges sur place. Ils seront fusillés le soir même par des soldats sous le commandement d’un officier belge, sur ordre de la Couronne.

Certains Congolais pensent que la démarche de Lumumba était précipitée et quelque peu radicale. Cependant le système colonial Belge était dur, brutal et cruel. Nul n’aurait pu prédire quand et comment la Belgique nous rendrait notre indépendance si nous ne l’arrachions pas. Même après l’indépendance, l’ingérence du gouvernement Belge dans les affaires nationales et leur soutien militaire aux sécessionnistes menaçait l’intégrité nationale. Lumumba n’a fait que défendre notre droit naturel a la liberté, a l’indépendance, et le droit des peuples à déterminer leur destin. Un droit aussi fondamental que le droit à la vie, à la santé et à l’éducation pour tous, pas seulement quelques élus immatriculés. Des droits qui ne peuvent souffrir d’aucune violation sous prétexte que leurs détenteurs ne sont pas prêts à en jouir.

Patrice Emery Lumumba a mené son peuple hors de la colonisation, cette forme institutionnalisée de l’esclavage international. Mais Patrice Emery Lumumba n’a pas vu la terre promise. Nous non plus. Cependant il a laissé des jalons sur qui pourraient mener le peuple congolais au paradis qui est le leur. Il faudrait pour cela que le peuple se souvienne des valeurs qui en tout temps ont caractérisé sa lutte. De valeur de de fierté, d’unité nationale, liberté, de persévérance, d’indépendance.

Pour finir, voici un texte poignant que Lumumba écrit a Pauline, sa femme. C’est le dernier texte connu du Héros Africain :


Ma Compagne Chérie,

Je t’écris ces mots sans savoir s’ils te parviendront, quand ils te parviendront et si je serai en vie lorsque tu les liras. Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi certains hauts fonctionnaires des Nations-Unies, cet organisme en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu.

Ils ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance. Que pourrai-je dire d’autre ? Que mort, vivant, libre ou en prison sur ordre des colonialistes, ce n’est pas ma personne qui compte. C’est le Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage d’où l’on nous regarde du dehors, tantôt avec cette compassion bénévole, tantôt avec joie et plaisir. Mais ma foi restera inébranlable. Je sais et je sens au fond de moi même que tôt ou tard mon peuple se débarrassera de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur.

Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés de millions de congolais qui n’abandonneront la lutte que le jour où il n’y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. A mes enfants que je laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu’on dise que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux, comme il attend de chaque Congolais, d’accomplir la tâche sacrée de la reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté, car sans dignité il n’y a pas de liberté, sans justice il n’y a pas de dignité, et sans indépendance il n’y a pas d’hommes libres.

Ni brutalités, ni sévices, ni tortures ne m’ont jamais amené à demander la grâce, car je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays, plutôt que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés. L’histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité. Ne me pleure pas, ma compagne. Moi je sais que mon pays, qui souffre tant, saura défendre son indépendance et sa liberté.

Vive le Congo! Vive l’Afrique!


Patrice Lumumba